Gore 117: La chair sous les ongles - François Sarkel
"Elle ouvrit la porte du réfrigérateur, plongea son regard à l'intérieur et se rejeta vivement en arrière, horrifiée.
- je vous avais prévenue, fit remarquer Joussin, et il ajouta:
- Ce n'est qu'un pied humain, après tout..."
Gilbert Joussin vit un jour terrible à l'heure où le roman débute: il vient de perdre sa mère. Ce gros bonhomme à face de lune inexpressive, travaillant à la quincaillerie Lambert, a désormais un double problème: il doit parvenir à se nourrir tout seul et oublier son rapport fusionnel à sa mère, Geneviève. Et trouver sa nourriture est problématique quand on est né cannibale.
Très vite, à ses soucis personnels, s'ajoutent des problèmes avec son entourage proche. La nouvelle voisine du quartier saute de manière suspecte à son cou en criant au grand amour. Corinne Chavel, sa voisine d'en face, ne fait que le surveiller dans des tenues plus affriolantes les unes que les autres. De plus, une bande de punks au courant de son secret va chercher à le faire chanter et se propose de lui fournir sa nourriture de "cochon blanc" à un prix exorbitant.
Brice Tarvel, scénariste de nombreuses bandes dessinées, signe ici une oeuvre détournant un brin le thème du cannibalisme: on ne devient pas cannibale mais on le naît. C'est une infection. Il rajoute également au mythe un marché underground de viande humaine et le fait que la viande de cannibale soit réputée comme met de choix auprès des autres cannibales.
Toutefois, on reste ici dans l'horreur domestique et dans le périmètre de Reims, là où est né et vit l'auteur. Le but est de montrer le cheminement de Joussin, le héros vers une maturité où il arrivera à se débrouiller seul. Un passage qui le mènera à avoir la sagesse de sa mère, comme le suggère la fusion finale du personnage avec celle-ci.
Les scènes graphiques peu ragoûtantes se multiplient et ne sont pas sans dégager un certain aspect pervers. En particulier celle du meurtre d'une vielle femme dans des HLMs, hachée menue et à laquelle le héros retire les sous-vêtements, lors d'une scène amenant une certaine connotation sexuelle macabre.
Le sexe n'est justement pas absent du cocktail avec les multiples scènes érotiques hardcore avec Ghislaine, la troublante nouvelle voisine éprise de Joussin. Bien sur, ces éléments gratuits sauront séduire le fan de romans d'exploitation tout en préparant lentement le rebondissement final.
Le roman mérite bien de faire partie de la collection avec son côté assez cru. Il n'est définitivement pas pour les estomacs sensibles mais essaye de sortir des clichés habituels et d'ajouter des choses à son thème principal. Comme quoi, vaudeville à la française et gore extrême peuvent faire bon ménage...